Professeur agrégé et chercheur au sein du LEPAMAP, Département d’Ingénierie Chimique, Agraire et Technologie Agroalimentaire de l’Université de Girona, José Alberto Méndez travaille depuis plus de 15 ans sur les matériaux composites biodégradables.

Quel est votre parcours en tant que chercheur ?

Toute ma carrière prédoctorale et postdoctorale est liée au domaine des matériaux polymères. Au fil du temps les applications ont évolué... Pendant mon étape prédoctorale et première étape postdoctorale je me suis consacré à la synthèse et à la caractérisation des matériaux polymères pour des applications biomédicales. J’ai mené ce travail à l’Institut de Polymères du Conseil de Recherches Scientifiques (CSIC) et à la Faculté de Sciences Chimiques de l’Université de Gant (Belgique).

Puis j’ai rejoint l’Université de Girona, sur un programme européen dédié à la fabrication de matériaux composites totalement biodégradables, renforcés avec des systèmes fibreux dérivés de la cellulose (Sustainpack). Cette recherche a conditionné ma deuxième étape postdoctorale – les 15 dernières années – durant lesquelles, grâce à la collaboration avec des membres du groupe de recherche du LEPAMAP (Université de Girona) auquel j’appartiens, nous avons développé un savoir-faire dans le domaine du renfort de matrices polymères et leur caractérisation. Un sujet qui intéresse différents secteurs industriels : agricole, mobilier urbain, packaging, contact alimentaire …Aujourd’hui, je fais partie de l’équipe de recherche de l’Université de Girona. Je me consacre aux tâches de gestion, coordination et recherche du projet BIOPLAST (POCTEFA- INTERREG), en qualité de group-leader.

Pourquoi avoir choisi ces matériaux agricoles ?

Dans le cadre du projet BIOPLAST, nous fabriquons des matériaux totalement biodégradables, à base de polyhydroxybutyrate (PHB) renforcé avec des fibres cellulosiques provenant de la culture d’orge. Nous avons choisi ce renfort en raison de sa production importante des deux côtés de la frontière franco-espagnole (territoire POCTEFA), ainsi que pour ses caractéristiques spécifiques, parmi lesquelles son faible contenu en lignine (inférieur à 20%). Notre expérience dans le domaine du renfort des matrices polymères nous a guidé vers l’utilisation de ce type de fibres. En effet, les matériaux fibreux à faible teneur en lignine conditionnent les meilleurs transferts de contraintes mécaniques de la matrice polymère au renfort, ce qui améliore leur réponse mécanique.Nous avons réalisé différentes modifications de la surface des fibres, non pas basées sur des fonctionnalités classiques car cela aurait trop augmenté le coût de production du matériau final mais plutôt sur des procédés d’élimination de la lignine rémanente dans la fibre ainsi que sur le défibrage des renforts fibreux afin d’augmenter la surface d’interaction avec la matrice.

Les résultats confirment que la mise en œuvre de méthodes de purification de la surface des fibres permet d’obtenir de meilleurs résultats en termes de renfort. Des méthodes plus intenses conduisant à une élimination excessive de la lignine contribuent à une plus grande population de groupes polaires à la surface du matériau de renfort et, par voie de conséquence, à davantage d’interactions entre les fibres. Leur dispersion dans la matrice devient alors plus difficile. Ceci se traduit par la persistance d’agrégats fibreux qu’il est difficile de détruire, limitant l’aptitude au transfert des contraintes de la matrice à la fibre lors des sollicitations mécaniques du matériau composite et diminuant donc ses propriétés.

Quelle est la part d’innovation dans vos recherches ?

Les méthodologies de compounding présentées par notre groupe de recherche sont celles considérées comme discontinues, elles facilitent un contrôle parfait de la composition du matériau. Elles sont basées, premièrement sur l’incorporation de la matrice et du renfort en quantités parfaitement contrôlées, deuxièmement sur un mélange de haute intensité dans des mélangeurs cinétiques. La décharge postérieure du matériau, avec des temps de séjour très courts, permet d’obtenir un matériau ayant peu ou pas de thermodégradation, bien que sa viscosité soit très élevée.

Vos recherches se rapprochent du marché, quelle est votre relation au monde industriel ?

Depuis toujours, notre groupe de recherche collabore avec des entreprises pour produire des matériaux utiles à l’industrie. Notre relation avec le monde productif est fondamentale, nous sommes engagés dans plusieurs programmes et partenariats en partie financés par les entreprises. L’une de nos forces, c’est la fabrication de nanorenforts cellulosiques pour des applications d’ingénierie papetière, lesquels permettent de produire des papiers ayant un grammage inférieur aux conventionnels, tout en maintenant, voire en augmentant leurs propriétés (longueur de rupture…). Le développement de ces nanorenforts cellulosiques a renforcé nos échanges avec les secteurs productifs. Voir que nos solutions technologiques améliorent les propriétés de matériaux déjà existants sur le marché est une vraie récompense pour le chercheur que je suis.Dans le cas particulier du projet BIOPLAST, nos recherches sont le fruit de plusieurs années d’expérience avec un personnel hautement qualifié. L’équipe de l’Université de Girona a développé un savoir-faire qui la rend particulièrement compétitive pour la fabrication de matériaux totalement biodégradables, durables et avec une possibilité élevée d’entrée sur le marché. A terme, il s’agit de remplacer des matériaux – non biodégradables, non durables, dépendant de la production de pétrole – qui ne répondent plus aux attentes sociétales et environnementales.